DDD

De Le modèle M3M
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Signification et contexte

DDD est un acronyme pour "Démocratie par Délégation Digitale", qui aurait pu aussi s'appeler "Démocratie par Délégation Digitale Continue", ou plus simplement "Démocratie 2.0".

Comme le nom l'indique, il s'agit d'une proposition d'aménagement du modèle démocratique.

Cet aménagement est digital, au sens où l'informatique et les télécommunications y jouent un rôle important et novateur.

Il fonctionne essentiellement par un système de délégation qui est bien distinct des systèmes électoraux actuellement utilisés.

Et cette délégation est continue, et continuellement mise à jour, là où les systèmes actuels sont caractéristiquement cycliques.

Le modèle DDD fait partie d'une étude plus vaste, le "modèle M3M". Le modèle M3M combine une critique des modèles en cours (modèle collectiviste, modèle compétitif, démocratie, particratie, travail, entreprise) avec un modèle neuf et un projet de société. Le texte décrivant le modèle M3M est organisé en trois parties. La première est la critique de modèles de société obsolètes. La seconde est un parti pris de valeurs simples sur lesquelles devrait être construit un meilleur et nouveau modèle, qui se traduit en quelque sorte en un cahier de charge. La troisième décrit des composantes choisies pour réaliser, implémenter le cahier de charge précédemment établi. Et c'est de cette troisième partie qu'est extrait l'essentiel du présent document.

La traduction anglaise de DDD (Démocratie Digitale par Délégation) est DDD (Digital Delegating Democracy). 

Les maladies des démocraties occidentales

En Europe, en Amérique et dans le monde entier, le modèle démocratique est malade: les électeurs se sentent incompris, ils ne se soucient plus d'exercer le droit de vote pourtant durement acquis par leurs prédécesseurs. La classe politique et les élus suscitent, aussitôt investis de pouvoir, la défiance et la suspicion de ceux qui les ont choisis. Les électeurs ne se sentent pas valablement représentés dans les institutions nombreuses et complexes qu'engendrent les rouages de plus en plus tortueux et contradictoires des structures démocratiques.

L'antique principe démocratique, la représentation digne et équilibrée du citoyen électeur, s'est perdue quelque part dans les perfectionnements successifs de l'histoire. Il est temps de lui porter un regard critique, et de bâtir autre chose, en gardant la force vitale du principe démocratique, mais en lui insufflant des membres convenant au biotope de l'homme contemporain.

De nombreux auteurs et journalistes ont mis en évidence des limites et faiblesses des rouages démocratiques. Ici sont repris, sans grande originalité, les principales d'entre elles, qui ne sont pas les seules, mais qui serviront de base de contraste avec les propositions DDD.

Etranges critères de succès des élus

Les campagnes électorales mettent en présence des candidats dont l'objectif est de réunir un maximum de voix. De ce fait, l'élégance, la prestance, le sens de la répartie et l'efficacité médiatique pèsent bien davantage que l'ambition ou la clarté des programmes présentés. Celui-ci se ramène à des slogans judicieusement mis au point pas des consultants en communications, dont les performances seront rémunérées non pas en fonction de la qualité du programme et des thèmes présentés, mais en fonction des voix obtenues. Quant aux candidats eux-mêmes, les critères de succès mentionnés, prestance, efficacité médiatique et autres pousseront en avant et favoriseront des personnalités sympathiques et populaires, des hommes de spectacles et de communications, par exemple des journalistes, des acteurs, des hommes d'affaires charismatiques. On ne saurait nier systématiquement à ces profils des qualités humaines, des idéaux et des qualités de gestion. Cependant, face aux enjeux à traiter par les élus, il est clair que ces profils ne sont à priori les mieux armés pour traiter ces problèmes, comparés à divers spécialistes des sphères techniques, politiques ou scientifiques. Hélas ces derniers ont rarement mis leur priorités dans les techniques de communications électorales, ou bien n'ont pas de penchant pour ces exercices.

Les cycles démocratiques sont sources de dysfonctionnements

Dans toutes les démocraties on assiste aux mêmes cycles déprimants dans leur naïve répétition.

En période électorale - fin des mandats arrivant à échéance - les élus en place font comme leurs concurrents désireux de prendre leur place. C'est la période des promesses en tous sens, des bilans glorieux de ceux qui sont ont exercé le pouvoir, des bilans déplorables de ceux qui voudraient que ceux qui l'ont exercé ne l’exercent plus et leur cèdent la place. Au cours de cette période électorale, les candidats sont dépeints avec enthousiasme par leurs troupes, avec dédain par leur compétiteurs, et l'objectivité cède complètement la place au cirque médiatique. L'une des conséquences de ces exercices, c'est que les élus en cette période ne se soucient plus de gérer, mais de présenter un bilan optimal agrémenté de promesses mises au goût du jour.

Ensuite au cours de l'exercice du mandat, l'élu est progressivement obligé de reculer face aux promesses trop optimistes qu'il a du avancer pour obtenir les suffrages. Inévitablement, ou au moins dans la grande majorité des cas, la popularité d'un élu en fonction est progressivement plus faible que celle qu'il avait au moment de sa campagne. Et de fait la gestion des problèmes est biaisée et malsaine, puisque les distorsions entre promesses et contraintes de terrain impliquent une gestion en équilibre délicat. C'est au cours du mandat également que les élus peuvent tirer les bénéfices plus ou moins légitimes, et jamais annoncés, de leur pouvoir. C'est la période des renvois d'ascenseur, de l'inventaires des débits et crédits, et de la recherche des meilleurs retours sur investissement électoral. S'il est indéniablement des élus intègres et dévoués - mais comment sont-ils arrivés là? - il faut aussi constater que d'autres moins scrupuleux savent tirer parti des deniers investis dans les campagnes électorales. Les premiers veulent et peuvent traiter les problèmes dans l'intérêt du citoyen, mais les seconds veulent et peuvent traiter les mêmes problèmes sans oublier l'intérêt de leur parti, de leurs amis et d'eux-mêmes.

Par ailleurs les cycles démocratiques ont souvent pour corollaire l'alternance des hommes et des partis au pouvoir. Le plus souvent la fin d'un mandat et le début du suivant impliquent une mise en veille des programmes lentement mis en place par les prédécesseurs, et la progressive prise d'information des successeurs. Il s'ensuit de longues périodes de flottement et d'incapacité de gestion, soit parce que les programmes ne sauraient plus être bouclés, soit parce qu'ils ne sont pas encore solidement informés et construits. Dans les deux cas, les éventuelles qualités de gestion des prédécesseurs et des successeurs ne pèsent pas lourd face à l'implacable logique des cycles démocratiques.

Il n'entre pas dans l'intérêt des élus de s'attaquer aux vrais problèmes

Pour quelle raison un élu devrait-il s'attaquer de manière courageuse aux problèmes les plus délicats auxquels il lui est demandé de s'attaquer?

Il a été montré que si la meilleure solution à un problème implique des mesures peu populaires, peu susceptibles de conserver ou de drainer des voix dans le futur, alors un élu a tout intérêt à ne pas le traiter. Il vaut mieux pour lui prendre des mesures temporaires, populaires et de préférence médiatisables, plutôt que de traiter un problème à la source. Postposer les dures décisions, transmettre à d'autres la délicate et impopulaire nécessité de les traiter mieux est le choix politique le plus rentable. Ceci est une démarche dans le temps: NIMTO (not in my term of office). La même logique existe pour les champs de compétence: NOMBY (not in my back yard). En d'autres termes aucun politicien ne souhaite qu'un problème épineux incombe à son champs de compétence.

Limites de la particratie

La particratie permet à des individus partageant des opinions proches de se regrouper et d'obtenir par là davantage de forces. C'est un principe louable en soi, et une prolongation assez naturelle de la nature humaine.

Cependant la particratie mène à diverses dérives suspectes et répréhensibles. L'électeur individuel se sont souvent davantage d'affinités pour une aile d'un parti plutôt que pour sa globalité, ou même pour un individu ou un groupe d'individus au sein de ceux-ci. Par ailleurs les partis sont des champs de négociation et de distribution effective de pouvoir discutables, où l'intérêt de l'électeur ne se trouve pas représenté de manière transparente. Enfin les relations entre partis politiques et formes de pouvoir financières sont souvent compromettantes, opaques et incitent à des formes de compromis, voire de corruptions. Les mécanismes de financement des partis font souvent l'objet d'enquêtes, et on peut supposer que ceux qui ne font pas l'objet d'enquêtes sont simplement ceux qui sont organisés de manière plus efficacement discrète.

Inspécialisation des élus et des dirigeants

C'est un effet des mécanismes démocratiques en général, mais qui est amplifié par la particratie. Les postes dirigeants, qui correspondent toujours à des champs de compétences plus ou moins larges, sont distribués à des élus soit directement, soit indirectement à travers les négociations entre partis au pouvoir et plus encore à l'intérieur de ceux-ci. Mais dans la grande majorité des cas, les dirigeant mis en place et une partie de leurs équipes n'ont aucune expertise, aucune compétence particulière. Leur succès électoraux et politiques leur donne indifféremment le droit d'exercer dans les domaines les plus divers: santé, environnement, éducation, finances, justices, relations internationales. Tout se passe comme si aucun de ces domaines ne demandait de connaissances spécifiques, comme si la compétence électorale était universellement applicable et transposable.

Simultanément l'électeur qui fait confiance à un homme ou à un parti pour certains domaines de compétences est obligé de choisir le même et seul homme, ou bien le même et seul parti pour tous les domaines de compétence. Quel doit être le choix de celui qui pense que le programme budgétaire du parti X est vital, tandis que son approche de l'éducation est déplorable?

Principes généraux de la DDD

Dans le modèle DDD:

  • Il n'y a pas de cycle à l'exercice démocratique: c'est un processus continu.
  • Les partis sont remplacés par des structures plus nombreuses et plus souples, les délégantes.
  • Des champs de compétence sont définis et servent de territoire bien segmentés de l'exercice démocratique.

Acteurs de la DDD

L'électeur

Comme dans le modèle classique, l'électeur prononce des choix. Ces choix sont structurés différemment, ils peuvent être très simples ou relativement complexes, mais le principe démocratique générale reste de mise: les élus sontin fine désignés par l'électeur.

Le candidat

Tout électeur peut se déclarer candidat dans un champs de compétence donné. Il lui appartient ensuite de faire connaître ses choix et convictions propres. 

Le collège de gestion

Chaque champs de compétence possède son organe dirigeant, qui est un collège de gestion constitué d'un certain nombre de candidats désignés suivant les mécanismes décrits plus loin. L'un de ces membres devient le secrétaire général du collège.

La délégante

La structure délégante - ou plus simplement 'délégante' - est vaguement semblable au parti de la démocratie actuelle, en ce que comme lui elle regroupe les intérêts d'électeurs. Cependant les délégantes diffèrent sur divers points. Les délégantes peuvent agir en chaîne: une délégante peut se prononcer en faveur d'une autre délégante, et de ce point de vue, elle devient une forme de lobby. Les délégantes peuvent être spécialisées dans un ou plusieurs champs de compétence, et leur pouvoir se segmente selon ceux-ci. La direction, la gestion et le financement d'une délégante s'organisent suivant des règles qui lui sont propres. Il suffit qu'elles soient dirigées dans les faits par des électeurs. Les délégantes peuvent être extrêmement petites, et peuvent se résumer à une simple personne, qui doit être un électeur.

La base de donnée de délégation

La logistique du système électoral DDD tourne autour d'une base de données, qui peut être constamment mise à jour. Cette base de données contient tous les choix des électeurs et des délégantes. Elle est accessible en ligne en permanence.

Fonctionnement de la DDD

Actions de l'électeur

Pour un électeur les choses se passent de la manière suivante.

Les choix s'opèrent en ligne. L'électeur se connecte souvent, rarement ou jamais, selon son choix. Lorsqu'il le fait il s'identifie de manière sécurisée.

A l'écran, il voit une liste de champs de compétence, et à coté de chacun d'eux, il peut consulter et modifier son choix.

Dans chaque champs de compétence, son choix peut être:

  • vide (il s'agit d'une forme d'abstention, qui revient à déléguer ce choix aux autres électeurs)
  • le nom d'un candidat éligible
  • le nom de plusieurs candidats éligibles
  • le nom d'un citoyen-électeur choisi comme délégant (sa voix sera transmise selon le choix du délégant désigné)
  • le nom d'une délégante (sa voix sera transmise selon le choix de la délégante)
  • la déclaration de candidature au collège de gestion (qui implique une voix donnée à soi-même)

Plutôt qu'un choix positif, l'électeur peut aussi porter une voix négative sur les mêmes catégories d'acteurs, et dans ce cas, sa voix sera soustraite au lieu d'être additionnée. C'est bien sûr une manière d'exprimer, non pas une adhésion, mais un désaveu ou une aversion.

Si l'électeur a choisi plusieurs citoyens-candidats, le poids de sa voix est divisé par le nombre de personnes choisies. Il s'agit alors de demi-voix, de tiers de voix, etc...

Actions de la délégante

Pour une délégante, les choix sont tout à fait semblables.

Cependant, là où l'électeur simple possède un poids unitaire, une délégante possède un poids total qui est égal au nombre de voix qui lui ont été transmises par délégation, et le choix de la délégante sera appliqué avec ce poids comme facteur multiplicatif.

Modifications des choix et calcul électoral

L'électeur et le représentant de la délégante peuvent régulièrement modifier leurs choix, mais pour éviter des variations trop fréquentes des poids électoraux, il n'est pas permis de modifier un choix donné, pour un champs de compétence donné, trop fréquemment, par exemple pas plus d'une fois par mois.

Au niveau de la base de donnée, des algorithmes simples et publics propagent les voix des électeurs vers les candidats et vers les délégantes. En fin de compte, dans chaque champs de compétence, il existe un certain nombre de candidats qui ont obtenu, directement ou indirectement, un certain poids électoral. Ces chiffres sont publics.

Le calcul est actualisé continuellement.

Collège de gestion

L'exercice du pouvoir, finalement, est attribué pour chaque champs de compétence, à une combinaison de candidats qui tombent d'accord entre eux pour former un collège de gestion représentant une majorité simple des voix exprimées, donc une majorité simple des poids électoraux.

Chaque membre du collège de gestion mis en place possède un poids personnel, son poids collégial, qui est la proportion de son poids électoral propre par rapport à la somme des poids électoraux de tous les membres du collège de gestion.

Chaque collège de gestion se désigne un secrétaire général, qui possède une fonction de coordination et de communication.

Lorsqu'un changement de poids électoral intervient et retire au collège de gestion la majorité dont il disposait, le collège et les autres candidats négocient pour recomposer une nouvelle majorité, par l'adjonction de nouveaux membres et/ou la soustraction de membres existants. En attendant que cet objectif soit atteint, aucune décision valide ne peut être prise par le collège de gestion.

Les décisions prises par le collège de gestion sont prises à la majorité des 60% (paramètre ajustable), chaque membre pesant dans le décompte en fonction de son poids collégial.

Transparence de la base de données

Dans la base de données de la DDD, les choix des électeurs peuvent être publics ou non selon la préférence de ceux-ci, et ce choix peut être fait indépendemment pour chaque champ de compétence.

Par contre, les choix des délégantes sont totalement publics. Si un électeur refuse de rendre public son choix, il perd automatiquement la possibilité de représenter d'autre électeurs par mécanisme de délégation.

Les noms des candidats, leurs poids électoraux, les noms des délégantes, leurs poids électoraux, toutes ces informations sont accessibles à tous les acteurs du jeu démocratique. 

Champs de compétence spéciaux

Supervision

Certaines matières relèvent non d'un, mais de plusieurs champs de compétence.

Sur de telles matières, et sur celles qui relèvent d'une autorité supérieure ou qui demandent un arbitrage entre champs de compétence qui risqueraient d'agir en divergence, c'est un champs de compétence spécial, le champ de compétence de supervision.

Celui-ci peut si c'est la seule solution prendre une décision de sa propre initiative. Mais il doit de préférence exercer une mission d'arbitre en décidant quel(s) champ(s) de compétence doivent traiter tout ou partie des dossiers qui sont soumis à son arbitrage. Ce champ de compétence est en quelque sorte une autorité suprême.

Le fonctionnement opérationnel de la base de données, sa transparence et ses rouages techniques sont sous la responsabilité du champs de compétence de supervision.

S'il fallait désigner l'individu le plus puissant dans les structures DDD, ce serait le secrétaire général du champ de supervision.

Législation

Dans le modèle DDD, il n'y a pas la distinction classique entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif. Au lieu de cela, il faut considérer au sein de la DDD que tous les champs de compétence sont exécutifs, à l'exception de l'un d'eux qui a pour seule et unique responsabilité la production législative. Ce champ de compétence n'est pas soumis au champ de supervision, ni à aucun autre. Son mode de fonctionnement peut être spécifique et étagé. Il peut y avoir en son sein séparation entre mécanisme de production de projets de loi, et mécanisme d'entérinement de ceux-ci.

Les règles de fonctionnement du champs de législation sont spécifiques. 

Justice

Le fonctionnement de la justice est dans le modèle DDD semblable à celui de la législation. Il est sous l'autorité d'un champ de compétence ad hoc.

Dimension géographique

Le modèle DDD peut s'appliquer à différentes échelles: nationales, supranationales et subnationales. Les mécanismes décrits sont valables dans tous les cas, et donc les électeurs peuvent avoir des pages de choix pour chacune de ces dimensions géographiques.

Conclusion

Le modèle DDD est ici présenté comme une forme de démocratie plus souple et plus juste, permise par les avancées technologiques de notre temps.

Il n'entre pas dans l'intention de l'auteur de le présenter comme une solution définitive ni rigide.

Sa mission essentielle est de souligner et de contourner les déboires bien visibles, les défauts trop paralysants des démocraties actuelles. Il appartient au lecteur de juger dans quelle mesure le modèle DDD serait moins exposé aux maladies de la démocratie mentionnées précédemment.

Et pour ce qui est des modalités de fonctionnement du modèle DDD, pour ce qui est de son support constitutionnel et juridique, de nombreuses variantes méritent d'être étudiées. Puisse ce texte alimenter un débat nécessaire et fécond!



Annexes

numéro de version: 1.0

date de version: 5 novembre 2014

contact: m3m@matscape.com

URL:  http://m3m.homelinux.org/wikiM3M/index.php/DDD