Entreprise

De Le modèle M3M
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Le but

Quel est le but de l'entreprise dans le modèle libéral ?

  • Est ce d'offrir des services de qualités au citoyen consommateur, à un prix juste ?
  • Est ce d'offrir des circuits économiques offrant du travail et tirant parti des compétences des différents types de travailleur ?
  • Est -ce de découvrir promouvoir et rendre accessible le progrès ?

Non, ce ne sont aucun de ces objectifs. Le but d'une entreprise est simple et unique.

  • C'est de rémunérer le plus possible l'actionnaire. Le plus possible et généralement le plus vite possible.

L'actionnaire est propriétaire de l'entreprise. A travers les rouages qui la guident (assemblée générale, conseil d'administration, direction), il souhaite une et une seule chose: valoriser au mieux un placement financier.

On peut s'indigner de ceci. On peut objecter que les entreprises mènent des politiques d'emploi, des politiques de qualité, voire des politiques environnementales courageuses. Mais il ne faudrait pas être dupes. Ces politiques ne constituent jamais une fin en soi. Elles ne sont que des moyens de renforcer l'image de marque, la crédibilité, la popularité de l'entreprise, et ce dans le but unique et inamovible de rémunérer l'actionnaire.

C'est un mécanisme qui a fait ses preuves. Il a apporté, surtout dans les pays occidentaux, une forme de prospérité sans précédent. Sur la question de la gestion des richesses, il a permis d'atteindre dans un modèle libéral, un niveau de richesse collectif remarquable. Cependant il est nécessaire de critiquer le concept d'entreprise, et de lui apporter quelques objections majeures.

Exemples

Téléphonie mobile

Le marché de la téléphonie mobile est un exemple anecdotique, mais puissant, des dérives du marché compétitif.

Dans chaque pays, le marché est partagé entre quelques acteurs, dont les capacités de différenciation sont limitées. Ils offrent tous un service fondamentalement identique: la possibilité de communiquer par voix et par message. Les différenciations possible concernent en partie les tarifs et les produits combinés : abonnements combinés avec des appareils, des services d'accès TV ou Internet, etc...   Or quel est le facteur différenciant déterminant dans la compétition entre les acteurs présents. Ce pourrait être le tarif, mais on observe que les tarifs sont extrêmement nombreux, complexes pour ne pas dire opaques, et qu'ils ne sont attractifs que lorsqu'ils impliquent une fidélisation durable du client. Le combat se déroule donc essentiellement, pour ne pas dire uniquement, dans le champs du marketing. Il est d'ailleurs remarquable de voir l'efficacité et la férocité de la lutte marketing entre les opérateurs lorsqu'il s'agit de capturer le marché le plus dynamique et prometteur, à savoir celui des adolescents...

Dans le même temps, quel est le coût réel du service offert par les opérateurs ? C'est une information difficile à obtenir. Bien sûr il faut amortir la mise en place des infrastructures nécessaires au fonctionnement d'un réseau sans fil. Mais à partir d'une certaine maturité, ce coût est stable et très limité. Il s'ensuit que le consommateur paye essentiellement le coût gigantesque des campagnes de marketing destinées à le capturer lui-même ! Les télécommunications sont partout très chères, trop chères.

Cependant, c'est le résultat du fonctionnement naturel d'entreprises opérant dans une économie de marché. Il ne s'agit pas d'offrir un service efficace à un prix honnête, il s'agit de 'prendre ou défendre des parts de marché', de 'fidéliser des clients', d 'innover dans l'offre et les tarifs'.

Une économie planifiée aurait-elle fait mieux que l'économie concurrentielle ? C'est une question utile et pertinente. La réponse est du domaine de l'intuition. Mais on peut imaginer que dans une économie planifiée, les sommes considérables déployées dans les efforts des campagnes publicitaires des opérateurs de télécom aurait pu être consacrée à divers autres besoins biens réels de notre société.

En tout état de cause, il n'est pas question ici de contester ou de condamner le comportement des entreprises concernées. Elles pratiquent un jeu selon les règles qui le définissent et elles servent de leur mieux les intérêts de leurs seuls vrais maîtres, qui sont leurs actionnaires. Ce ne sont pas les joueurs que l'on doit évaluer, ce sont les règles du jeu.

Assurances

L'analyse est différente, mais plus caricaturale encore pour le secteur financier en général, et typiquement pour le secteur des assurances.

Les assurances couvrent des risques selon des techniques liées aux statistiques et aux probabilités. Elles encaissent diverses primes d'assurances, et remboursent selon des événements aléatoires les assurés victimes de 'sinistres' ou d'événements déclencheurs de remboursement. Une compagnie d'assurance s'efforce de percevoir des primes globales aussi volumineuses que possible, et de rembourser des dédommagement de sinistres aussi peu volumineux que possible.

Mais si toutes les compagnies jouent selon les mêmes règles, comment définir une compagnie d'assurance prospère? Est-ce une compagnie qui a de la chance en termes de sinistres rencontrés ? Non, car les lois des grands nombres et les mécanismes de réassurances équilibrent ce risque. Est-ce une compagnie bien organisée dans ses flux opérationnels ? Certainement, mais toutes convergent en comportement vers des procédures semblables et souvent imposées. Quoi d'autres alors ? Inévitablement, la concurrence dans le secteur des assurances offre le meilleur succès aux acteurs qui "présentent des promesses convaincantes et arrivent à ne pas trop souvent devoir les tenir". Cette expression est entre guillemets, parce qu'elle est sans doute excessive et caricaturale. Cependant la caricature est le reflet des règles du jeu. Pour maximiser le volume de primes perçues, il s'agit de présenter des contrats attractifs pour le consommateur - quels que soit le rapport réel [ prime / remboursement moyen ] caché derrière le contrat. Pour minimiser le volume de remboursement, il s'agit de convaincre d'assuré de prendre des mesures réduisant effectivement le risque, comme par exemple de prendre des options de sécurité efficace dans le cadre d'une assurance vol. Il s'agit aussi de mettre dans les contrats d'assurances des clauses d'exception utiles à l'assureur et pas trop visibles ou effrayantes pour l'assuré, et finalement de disposer d'un service juridique capable d'affronter avec succès un maximum de situations litigieuses.

La conclusion ne diffère pas de celle du paragraphe précédent. Les entreprises ou leurs dirigeants ne doivent être ni contestés ni condamnés. Ce ne sont pas les joueurs que l'on doit évaluer, ce sont les règles du jeu général de l'entreprise en compétition dans une économie libérale.

Santé

Dans ce vaste secteur, l'analyse sera similaire, mais les enjeux sont certainement plus graves que de simples enjeux financiers: il s'agit de la santé des individus de notre espèce, de celle des autres espèces, et finalement de celle de la planète dans son ensemble.

Imaginons qu'au sein d'une grande entreprise pharmaceutique un brillant chercheur découvrir une molécule aux vertus thérapeutiques larges, irréversibles et spectaculaires. Imaginons de plus que malgré sa complexité cette molécule est facile et peu couteuse à produire. Les dirigeants de l'entreprise se réunissent. Ils comprennent vite que cette nouvelle molécules est susceptible de sauver un grand nombre de vies humaines, mais aussi de cannibaliser la majorité des lignes de produits non seulement de la concurrence, mais aussi de l'entreprise elle-même. Pour maintenir sa marge bénéficiaire, l'entreprise devrait arriver à vendre la molécule à un prix fort élevé, et surtout empêcher par des brevets la concurrence d'accéder à des produits identiques ou similaires. Elle devrait en outre faire face à une baisse générale de la demande future, parce que le nouveau produit à des effets irréversiblement salutaires. Elle devrait aussi justifier le prix à pratiquer en les adossant aux coûts considérables des départements de recherche, quelle que soit la réalité. Cette réunion et les choix à faire ne sont pas simples. Certains avancent le progrès de la santé publique. Mais les hauts dirigeants, qui sont aussi actionnaires et qui ont pour mission de privilégier l'actionnaire avant tout arrivent à la seule conclusion valide: mieux vaut mettre cette nouvelle molécule au frigo, et continuer à tirer des bénéfices récurrents des vaches à lait que sont les produits phares de l'entreprise. Quels que soient les choix et les arguments développés c'est l'attitude saine et responsable des dirigeants d'une entreprise capitaliste.

La santé des citoyens? Oui en principe... La santé peu couteuse pour les individus et la sécurité sociale? Oui, en principe... Le bénéfice de l'actionnaire? Non en principe, mais oui selon les règles du jeu.

On pourrait imaginer d'autres scénarios et poser d'autres questions embarrassantes. Que dirait une société pharmaceutique face à un produit qu'elle peut vendre cher, mais dont les effets indirects obligeront les patients à traiter par d'autres médicaments les effets latéraux prévus? Que dirait une société pharmaceutique face à un produit dont le développement lui a couté fort cher, mais dont les retombées thérapeutiques sont mises en doute?

Des cas de ce genre, il en existe tant qu'on veut. Le point commun est le suivant. Lorsque l'intérêt du patient consommateur et l'intérêt de l'actionnaire ne sont pas alignés, l'entreprise est tenue de donner la priorité à l'actionnaire.

Environnement

Proche du cas de la santé se trouve celui de l'environnement. Le marché des pesticides et celui des OGM est édifiant. Une entreprise - imaginaire ou réelle, peu importe - propose à la fois un pesticide extrêmement efficace et des OGMs résistant à ce pesticide. Sur le principe la démarche paraît utile et prometteuse. Mais s'il advient que des chercheurs découvrent que le pesticide a des propriétés toxiques pour de trop nombreuses espèces animales et pour les humains, et s'il advient de plus que l'implantation des OGMs a des effets imprévus et spectaculaires sur la biodiversité végétale, que doit faire l'entreprise ?

Le respect du consommateur et de l'environnement devrait pousser l'entreprise à suspendre la distribution de ces produits et à mener des études approfondies sur les effets réels ou supposés du pesticide et des OGMs. Or ces deux produits sont terriblement rentables et offrent à l'entreprise et à ses actionnaires des bénéfices substantiels et récurrents. Là encore la direction de l'entreprise est confrontée à des choix fort délicats, mais la logique économique de la compétition capitaliste et l'emprise de l'actionnaire sont tout-puissants. Ceux qui se mettent en travers de ces forces risquent leur carrière ou davantage. Les dirigeants adoptent donc la seule attitude sage, qui est de défendre leurs produits, leurs bénéfices et leurs actionnaires. Cette attitude se décline à divers niveaux. Il faut rassurer l'opinion publique par tous les moyens au sujet du pesticide et des OGMs. Il faut accréditer et financer les scientifiques qui vont dans le 'bon' sens, et discréditer de la manière la plus convaincante ceux qui vont dans le 'mauvais' sens. Il faut implanter partout les deux produits le plus vite et le plus largement possibles, car leurs propriétés les rendent irréversiblement et réciproquement indispensables. Il ne faut surtout pas mentir explicitement, mais savoir présenter la 'bonne' vérité de manière convaincante...

Ceux qui voient dans cette description une histoire connue peuvent s'indigner, se révolter et se battre. Leur combat sera vain tant que la logique de l'entreprise sera centrale dans l'économie, tant que les règles du jeu seront ce qu'elles sont. Les joueurs peuvent sans doute être blâmés, mais pas d'avoir joué selon les règles.

Le progrès

C'est une idée communément admise. Le progrès surgit de la compétition libérale, parce que les entreprises ont intérêt pour faire du bénéfice à innover. C'est une évidence tellement forte que dans la majorité des cas, même la recherche fondamentale se déplace des sphères académiques vers les entreprises. Pourquoi? Est-ce parce qu'elles ont davantage de moyens? Ou bien est-ce parce qu'elles ont des buts - lucratifs - permettant plus efficacement d'orienter les priorités de recherche?

Aujourd'hui la recherche et les progrès sont étroitement lié à des instrumenst juridiques, les brevets. Le brevet enregistre et définit une découverte et une innovation, dans le but de protéger son propriétaire inventeur de copies par des concurrents n'ayant pas investi dans la recherche, mais aussi prompts à en tirer les bénéfices. Le brevet est donc le meilleur moyen d'encourager et de protéger les activités de recherche, et donc indiretement l'innovation et le progrès. Tout cela est présenté comme un enesemble d'heureuses dispositions, favorables in fine au bien-être du citoyen.

Mais quelques questions méritent d'être posées:

  • Quand l'innovation est-elle utile à l'entreprise?
  • Y a-t-ildes situations où le progrès et l'entreprise sont ennemis ?
  • Les brevets concourrent-ils au progrès ?

Pour l'observateur attentif et rigoureux de la sociételle, les réponses sont à la fois faciles à établir et fort instructives.

[...]

Le consommateur

L'entreprise n'est pas au service du consommateur. Par exemple, si une entreprise mène des recherches qui lui permettent d'obtenir des brevets pour des produits performants, économiques et sains, ceux-ci ne seront effectivement mis sur le marché que si leur rentabilité est supérieure à celle de produits déjà proposés! Le consommateur n'est pas un bénéficiaire, mais une cible. La logique du marketing connaît ses objectifs.

Le travailleur

L'entreprise n'est pas au service du travailleur. On pourrait même dire que pour l'entreprise, le travailleur représente un coût, et dès lors qu'il s'agit de maximiser le bénéfice de l'entreprise, la minimisation des coûts passe par la minimisation du nombre de travailleurs, et la minimisation du coût moyen de ceux-ci. Dans ce contexte, le déplacement des outils de production vers les territoires de moindre coût fait à nouveau partie d'une logique contestable, mais cohérente et implacable. Si une entreprise ne respecte pas cette logique, elle est pénalisée, et de même ses actionnaires.

La compétition globale.

Enfin, la globalisation des marchés possède d'étranges et dangereux effets. C'est le caractère global qui est en cause. Cette dimension unique est d'une part, une conséquence prévisible de la logique libérale, qui encourage les économies d'échelle, mais dans le même temps, elle mine le potentiel d'innovation et de compétition, en privant la sélection naturelle des effets bénéfiques du cloisonnement.