Pensée numérique

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Cette page datée de février 2010 concerne le projet Assothink , plutôt pour ce qui concerne sa partie théorique et ses objectifs.

Le fonctionnement de la pensée numérique, les représentations et opérateurs numériques sont très simples (et très performants) dans un ordinateur (pour autant que le mot pensée numérique convienne à un ordinateur).

Dans une intelligence naturelle, et dans Assothink, la question est bien plus complexe.

Que se passe-t-il dans l'esprit du lecteur lisant ce qui suit:

  • 3 + 1 ?
  • 9 + 3 ?
  • 8 x 7 ?
  • 40 x 40 ?
  • 11 x 12 ?
  • 41 x 39 ?
  • 1030 + 204 ?
  • 3 pommes, 2 clous, 4 bananes: combien de fruits ?

Il semblerait - exercice d'introspection - que les mécanismes mis en jeu sont très variables suivant les cas présentés, et de plus qu'il sont très variables suivant les cultures ou les individus.

Décadactylie

Omniprésente dans notre pensée numérique est la base 10.

Les ordinateurs en sont indépendants: ils utilisent une base 2, et privilégient (systèmes d'adressage) des bases auxiliaires qui sont des puissances de 2.

Si nous avions 8 doigts (2x2x2) ou 12 (qui est divisible par 1, 2, 3 et 4) ou 16 (2 exposant 2 exposant 2) ou 60 (qui est divisible par 1, 2, 3, 4, 5 et 6), nous serions probablement de meilleurs bio-processeurs numériques.

Et si nous en avions 9 ou 17, ce serait l'inverse.

Face à l'énoncé 41 x 39, un décadactyle s'enchante de reconnaître (40+1)x(40-1). Bien entendu les êtres à 12 ou à 9 doigts s'y trouveraient moins inspirés, mais dans beaucoup d'autres situations, les facilités seraient inversement offertes. L'être à 12 doigts serait à l'aise avec 49x47 (peu amical pour nous), et l'être à 9 doigts le serait avec 35x37...

Déca-malléabilité

Les romains de l'antiquité, qui concevaient 4 (IV), 6 (VI)  et 9 (IX) comme, respectivement 5-1, 5+1 et 10-1, en étaient imprégnés. Les nombres nous paraissent malléables en fonction de leur relation à 10.

C'est pratique pour divers problèmes de numération simple, mais on serait curieux de voir comment les écoliers romains traitaient les tables de multiplication par 7 !

Sur une échelle de déca-malléabilité, nos nombres familiers sont ordonnés à peu près ainsi (les plus familiers à gauche) :

..1...2...3...5...4...6...8...9...7

..................10..20..30..50..40..60..80..90..70

...................................100..200..300..500..400..600..800..900..700

Nos bio-processeurs cherchent à organiser et à simplifier nos perceptions numériques en les ramenant à des combinaisons de nombres aussi déca-malléables que possible.

Dans l'exemple 41x39, on s'efforce de transformer des nombres peu malléables (41 et 39) en nombres très malléables (1 et 40).

Un choix de principe

La question se pose pour Alex, qui est un programme (tournant dans des ordinateurs) visant à mimer les intelligences naturelles et à en reproduire certaines performances: Alex doit-il être décadactyle, lui qui n'a ni mains ni doigts ?

Les deux réponses sont défendables.

Le processus de 41x39

Dans le cas déjà cité de 41x39, la démarche efficace n'est accessible qu'à des individus ayant une culture mathématique incluant : (a+b) x (a-b)=a x a - b x b.

Elle contient alors les étapes suivantes:

  1. Un certain schéma est identifié (numeric pattern recognition ?) : 41 et 39 sont de bons a et b. 'Bons' signifie 'déca-malléable'. Face à 14x28, qui pourrait être transformé en (21-7)x(21+7), la même démarche n'aurait pas le même rendement, à cause de la malléabilité faible des nombres trouvés.
  2. Le schéma est identifié, mais aussi les composants malléables. L'exercice de pattern recognition identifie non seulement un pattern, mais aussi des paramètres avantageux (40 et 1).
  3. Ensuite la substitution a lieu: 40 et 1 sont injectés dans la formule pattern, en tant que membre de gauche.
  4. L'exercice d'évaluation se déplace au membre de droite. Une équivalence des résultats est postulée.
  5. Les membres de droites sont évalués, 40 x 40 et  1 x 1. On retombe sur des exercices atomiques (voir plus bas).
  6. La soustraction finale (1600-1) est réalisée. C'est encore un exercice atomique.
  7. Le résultat final est délivré.

Le processus dans son ensemble est totalement conscient et fortement séquentialisé. Par exemple, 40x40 est réalisé avant ou après 1x1, jamais en même temps.

Il est intéressant de noter que tout mathématicien disposant de la donnée culturelle représentée par cette formule identifie passivement et sans effort l'opportunité. Son processus est automatiquement déclenché sur 41x39, il ne sera en aucun cas déclenché sur 41x38 !

Schémas culturels

Les schémas culturels appris font donc partie de la pensée numérique naturelle, chez les décadactyles et mutatis mutandis chez les êtres hypothétiques ayant plus ou moins de doigts.

Les exercice 40x40 et 7x8 sont plus simples, plus atomiques.

Exercices faciles atomiques

L'exercice 7x8 est simple et apparemment atomique.

Les tables de multiplications sont pour les intelligences naturelles des objets appris, mémorisés, à accès rapide.

Concernant Alex ce sont des liens de type mapping. Il y a un mapping pour les multiplications par 7, un autre pour les multiplications par 8, et il en est de même pour les nombres de 2 à 10.

Exercices faciles combinés

Le cas de 40x40 - ou celui de 70x80 - sont un peu plus élaborés, combinés, et fortement liés à la déca-malléabilité.

Dans ces cas les nombres sont identifiés comme multiples de 10, et les étapes sont:

  • 40 x 40
  • 4 x 10 x 4 x 10
  • 4 x 4 x 10 x 10
  • 16 x 100
  • 1600

Ceci paraît évident. Cependant, l'associativité et la commutativité de la multiplication ont été utilisés. Et qu'est-ce, dans une intelligence naturelle, que l'associativité et la commutativité de la multiplication ? Comment est-ce représenté ?

Le cas de 1030 + 204 est à peu près semblable. Dans ce cas cependant, les étapes utilisent l'associativité et la commutativité de l'addition.

Enfin le cas de 11 x 12  met en jeu une notion encore plus complexe : la distributivité de la multiplication sur l'addition.

On pourrait y ajouter que ces processus utilisent la présente d'éléments neutres (0 pour l'addition, 1 pour le multiplication) et d'élément absorbant (0 pour la multiplication).

Toutes ces notions abstraites sont bien ancrées et opérationnelles dans une intelligence naturelle. Comment ?

L'arbre-pile de conscience

Les différents cas qui précèdent démontrent ce que notre intuition souligne également: dans la majorité des calculs entiers, une opération est décomposée en une séquence de sous-opérations et les résultats sont recombinés.

Ainsi le cas de 41x39 suscite globalement ~10 opérations élémentaires.

Seules les opérations atomiques (7x8) accèdent directement à des résultats via la gelée associative.

Lorsque 10 (par exemple) opérations atomiques interviennent, il faut, comme dans les calculatrices de bureau, une pile, ou un arbre.

L'arbre-pile a pour mission de stocker des résultats intermédiaires. Dans l'exemple de 41x39, l'arbre-pile peut stocker jusqu'à 4 résultats intermédiaires.

L'arbre-pile est constituées de liens à faible durée de vie entre des énoncées et des résultats ou des formes intermédiaires.

Dans le cas de 41x39, l'arbre-pile contient les liens suivants (et probablement d'autres):

  • 41x39 = 40x40-1x1
  • 40x40 = 4x4 x 10x10
  • 4x4 = 16
  • 10x10 = 100
  • 1x1 = 1

Le fonctionnement de l'arbre-pile implique

  • des push()
  • des pop()
  • pour la construction des objects empilés, des opérateurs d'associativité, commutativité, distributivité... Plus exactement, ces opérateurs fonctionnent par tentatives mutiples dans diverses directions. L'arbre-pile peut donc contenir aussi des résultats de faible utilité, des tentatives dont le résultats n'est pas indispensable. Ainsi l'arbre-pile contiendrait aussi 4x10 = 40.

S'agissant d'intelligence naturelle, et du fonctionnement de nos arbres-piles humaines, nous observons:

  • que nous disposons d'un et un seul arbre-pile
  • que la capacité totale de notre pile numérique - pour un individu moyen - monte à 4...5...6 objets, rarement plus.
  • que pour certaines activités spécialisées - jeu d'échecs - nous traitons similairement un type de pile ad hoc, dont les capacités et le volume d'exploration prennent de toutes autres proportions.
  • De manière plus générale - quittant le domaine numérique - la notion d'arbre-pile intervient dans toutes les activités conscientes. Vous jouez aux cartes; durant la partie un appel téléphonique intervient; durant l'appel, vous activez un souvenir émotionnel fort... Trois 'objets', trois mini-consciences sont dans la pile. Puis vous videz l'arbre-pile. Vous éteignez momentanément le souvenir; vous terminez votre appel téléphonique; et vous reprenez la partie en réactivant la connaissance que vous avez des conditions instantanées de la partie.
  • Nos processeurs biologiques peuvent traiter séquentiellement les différents niveaux empilés. Mais toujours séquentiellement, et très difficilement - ou très mal - en parallèle. Il nous est difficile de sortir une carte en même temps que l'on répond au téléphone et que l'on parcourt un souvenir fort.

Il serait passionant, en terme de fondation biologique et d'évolution de voir comment l'arbre-pile s'est formée, dans quelles espèces elle est disponible, et si son coté numérique a été un prédécesseur ou un bénéfiaire des autres aspects.

Il ressort de tout ceci:

  • que l'arbre-pile contient des formes de consciences partielles et transitoires
  • qu'il n'est parcourue que séquentiellement
  • que les éléments de l'arbre-pile peuvent être dans un état (a) de construction dynamique - lorsque (7x8 est introduit, mais 56 n'est pas encore installé); (b) statique en disponibilité; (c) statique sans plus d'utilité.
  • qu'il est indispensable à la pensée numérique, mais présente aussi dans toutes les activités conscientes.

L' arbre-pile peut donc aisément être introduite dans le modèle Alex, et en devenir un composant essentiel !

Résumé

Les processus numériques mettent en jeu, au moins:

  1. des liens associatifs élémentaires mémorisés (suivant, précédent, double, moitié, racine, tables de multiplication)
  2. des exercices combinés faisant intervenir diverses propriétés des opérateurs d'addition et de multiplication (associativité, commutativité, distributivité, éléments neutres et absorbants). Tout caissier, tout écolier, manipule de facto la notion mathématique de corps avec une indéniable efficacité.
  3. des techniques apprises culturellement
  4. du pattern recognition
  5. un arbre-pile très cartésien, dont la mission est de décomposer des problèmes complexes en problèmes simples, et de rendre disponibles les résultats intermédiaires simples.

Il serait donc maladroit d'imaginer que la pensée numérique naturelle obéit à des lois simples et générales. Elle est au contraire diverse et hétérogène, bien plus que celle intervenant dans les processeurs d'ordinateurs.

La décadactylie est une facteur d'analyse important, mais d'autres bases impliqueraient nécessairement les mêmes processus.

La logique associative d'Alex traitera correctement le premier des 5 composants. Pour les autres, il reste à trouver des modes de représentation ad hoc, aussi associatifs que possible.